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Jurisprudence Punaises de lit : L'accès forcé en cas de logement encombré (Diogène)

Publié le 12 décembre 2025
Un huissier de justice supervise un serrurier qui force l'ouverture d'un appartement encombré, suivi par un technicien de désinsectisation en combinaison de protection.

La gestion des punaises de lit en habitat collectif se heurte souvent à un obstacle majeur : le “logement réservoir”. Il s’agit d’un appartement, souvent encombré ou mal entretenu (cas d’incurie ou syndrome de Diogène), qui empêche l’éradication globale de l’immeuble.

Face à un occupant qui refuse l’accès ou ne prépare pas son logement, les gestionnaires se sentent souvent démunis.

Pourtant, un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 30 juin 2022 (n° 21/10571) apporte une réponse juridique claire. Il confirme la possibilité pour le syndicat des copropriétaires d’obtenir l’accès forcé et de lourdes condamnations financières.

Voici une analyse détaillée de cette décision pour les professionnels de l’immobilier.

Le contexte : une impasse sanitaire caractérisée

Dans cette affaire, un immeuble subissait des infestations récurrentes depuis 2017. Les expertises (notamment canines et rapports de sociétés 3D) avaient identifié formellement un appartement du 6ᵉ étage comme étant le foyer principal.

La problématique était double :

  1. Impossibilité technique de traiter : l’appartement présentait un encombrement majeur (accumulation d’objets) rendant les insecticides inefficaces.
  2. Obstruction : le locataire refusait implicitement de coopérer (absence de préparation des lieux).

Le syndicat des copropriétaires a donc assigné le locataire et le propriétaire bailleur en référé.

La procédure : fondements juridiques retenus

Pour valider l’intervention, la Cour d’appel s’est appuyée sur deux piliers juridiques essentiels que tout syndic doit connaître.

1. L’urgence et le « dommage imminent » (art. 835 du CPC)

Le juge des référés est le juge de l’évidence et de l’urgence. La Cour a qualifié l’infestation persistante de :

  • Trouble manifestement illicite : du fait de la violation des règles sanitaires (RSD).
  • Dommage imminent : pour la santé des autres occupants et la salubrité de l’immeuble.

C’est cette qualification qui permet de passer outre l’inviolabilité du domicile.

2. La responsabilité du copropriétaire bailleur (loi de 1965)

La défense du propriétaire consistait à rejeter la faute sur son locataire. La Cour a écarté cet argument en rappelant l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 : le copropriétaire bailleur est responsable des nuisances causées par l’occupant de son chef s’il n’agit pas efficacement pour y mettre fin.

Les mesures coercitives validées par la Cour

L’intérêt majeur de cet arrêt réside dans l’étendue des mesures autorisées pour permettre le travail des techniciens hygiénistes.

L’ouverture forcée et le concours de la force publique

La Cour confirme l’ordonnance permettant à un huissier de justice de procéder à l’ouverture de l’appartement, même en l’absence de l’occupant, assisté d’un serrurier et de la police si nécessaire.

L’obligation de « faire le vide »

Point crucial pour les cas d’accumulation (Diogène) : le juge ne s’est pas contenté d’ordonner l’accès. Il a ordonné que l’appartement soit laissé libre de toute occupation et de tout meuble pour permettre :

  • Le déplacement du mobilier infesté ;
  • La dépose des revêtements de sol (lino) si nécessaire ;
  • Le traitement de fond des volumes.

Le syndicat a été autorisé, à défaut d’exécution spontanée, à procéder lui-même au relogement temporaire du locataire et au déménagement, aux frais avancés de la copropriété (récupérables ensuite).

La condamnation financière

La facture finale est lourde pour le propriétaire bailleur, condamné à verser (chiffres arrêtés par la Cour) :

  • 10 400,72 € de provision pour les frais de désinfection des parties communes ;
  • Les dépens et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile (frais d’avocat).

Conclusion opérationnelle

Cette jurisprudence constitue un outil puissant. Elle démontre que le droit au respect de la vie privée ou le droit de propriété ne sont pas absolus face à un impératif de santé publique en copropriété.

Pour les syndics et gestionnaires, la marche à suivre est claire :

  1. Documenter l’infestation et l’obstruction : rapports d’intervention des entreprises 3D précisant « défaut de préparation » ou « encombrement empêchant le traitement » ;
  2. Mettre en demeure : le bailleur doit être sommé d’agir ;
  3. Saisir le juge des référés : en invoquant le trouble manifestement illicite pour obtenir l’autorisation d’intervention forcée.

Référence : Cour d’appel de Paris, Pôle 1 - Chambre 2, 30 juin 2022, n° 21/10571.

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